Suite à mon post précédent La nécessité de l’Écriture : à quoi sert la Parole de Dieu ? dans lequel j’analyse 2 Timothée 3.16, j’ai voulu voir ce que Jean Calvin nous dit au sujet de l’Écriture dans l’Institution de la Religion Chrétienne. J’apprécie beaucoup cet ouvrage, et non, je n’ai pas tout lu (c’est quand même un pavé !), mais j’y ai souvent recours.
Dans le Livre I – Chapitres VI, VII, VIII, IX, XIII et XIV, Calvin consacre une grande partie à la nature et au rôle de l’Écriture, à sa véracité, à sa nécessité, etc. Tenter d’extraire de petits passages (ce que j’ai essayé de faire), bien que très édifiants, est plutôt dommage, car ce sont des chapitres riches qui se lisent dans leur intégralité. Je vous invite vraiment à lire ces chapitres !
Voici donc, les passages de Calvin citant 2 Timothée 3.16 (mon verset d’appui) avec les sections correspondantes du chapitre et du livre.
Livre I
La connaissance de Dieu comme créateur et comme souverain gouverneur du monde
Chapitre IX
Comment certains esprits déréglés s’écartent de l’Écriture sous prétexte de révélations du Saint-Esprit
1. Contre ceux qui exaltent l’Esprit au détriment de la Parole
Ceux qui délaissent l’Écriture et s’imaginent pouvoir trouver une autre voie pour parvenir à Dieu ne sont pas tant dans l’erreur que fous. (Il s’agit des opinions des libertins auxquels Calvin s’attaque dans son traité Contre la secte fantastique et furieuse des libertins qui se nomment spirituels). Récemment, de telles personnes se sont avancées. Elles se réclament orgueilleusement d’être instruites de la doctrine de l’Esprit, méprisent toute lecture et se moquent de la candeur de ceux qui s’attachent encore à « la lettre morte et mortifère » du texte, comme elles disent. Je voudrais bien qu’elles m’expliquent quel est cet esprit dont l’inspiration les ravit tellement qu’elles osent mépriser toute la doctrine de l’Écriture, la considérant comme puérile et grossière. Si elles répondent que c’est l’Esprit de Christ, leur assurance est ridicule.
Je suppose qu’elles admettent que les apôtres et les fidèles de l’Église primitive ont été inspirés par l’Esprit de Christ. Aucun d’entre eux n’a méprisé la Parole de Dieu, chacun étant incité au plus grand respect, comme en témoignent clairement leurs écrits. Ésaïe l’avait d’ailleurs annoncé. En effet, en disant que Dieu donnerait son Esprit à son Église et qu’il mettrait sa Parole dans sa bouche afin que les deux ne se séparent jamais (Ésaïe 59.21), Ésaïe ne s’adresse pas au peuple ancien pour le lier à la prédication des hommes comme s’il était un jeune enfant qui apprend à lire. Il déclare plutôt que le plus grand bien et tout le bonheur que nous puissions souhaiter sous le règne de Christ, c’est d’être conduit aussi bien par sa Parole que par son Esprit. J’en conclus que séparer ce que le prophète a étroitement lié est un sacrilège répréhensible.
« Il n’est pas moins insupportable de se réclamer de l’Esprit sans la Parole que de mettre en avant la Parole sans l’Esprit. »
Calvin, Épître À Sadolet, Œuvres choisies
Et Paul, qui avait été ravi jusqu’au troisième ciel (2 Cor 12.2), n’a pas négligé de progresser dans la connaissance de la doctrine de la Loi et des Prophètes. Il exhorte aussi Timothée, bien qu’il soit un docteur reconnu, à s’appliquer à son étude (1 Tim 4.13). À remarquer également cette louange à ne pas oublier et qui est formulée ainsi : « Toute Écriture est utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice » (2 Tim 3.16). N’est-il pas insensé de prétendre que l’usage de l’Écriture est provisoire et donc caduc, étant donné que, selon le témoignage du Saint-Esprit, elle seule peut conduire les enfants de Dieu à la perfection ?
Je désirerais que ces personnes me précisent si elles ont reçu un autre esprit que celui que le Seigneur a promis à ses disciples. Bien qu’elles soient très exaltées, je ne pense pas qu’elles osent le prétendre. En promettant son Esprit, que disait Jésus à son sujet ? Il annonçait que l’Esprit ne parlerait point de lui-même, mais qu’il rappellerait aux apôtres ce que lui-même par sa parole leur avait enseigné (Jean 16.13). L’office du Saint-Esprit n’est donc pas (tel qu’il nous a été promis) de faire de nouvelles révélations, inconnues auparavant, ou de forger une sorte de nouvelle doctrine et d’éliminer la vérité de l’Évangile que nous avons reçu, mais plutôt de la sceller et de la confirmer dans nos cœurs.
Livre II
La connaissance de Dieu comme rédempteur en Jésus-Christ, ce qui a été connu, d’abord, des Pères sous la Loi et qui, depuis, nous a été manifesté dans l’Évangile
Chapitre VII
Le peuple ancien a reçu la Loi, non pas pour être bridé, mais afin de nourrir son espérance de salut en attendant la venue de Jésus-Christ
14. Ce qui est abrogé dans la Loi et ce qui demeure toujours valable
Maintenant la Loi est utile pour exhorter les croyants et non pas pour lier leurs consciences sous la malédiction. Elle les réveille de leur paresse en les secourant et en corrigeant leurs imperfections. Certaines personnes, pour interpréter cette délivrance de la malédiction, affirment que la Loi est abrogée pour les croyants (je parle toujours de la Loi morale). Ce n’est pas que la Loi ne commande plus ce qui est bon et saint, mais elle n’est plus, pour eux, ce qu’elle était auparavant, c’est-à-dire qu’elle ne frappe plus les consciences de la crainte de la mort.
L’apôtre Paul indique clairement une telle abrogation de la Loi (Romains 7.6). De plus, il apparait que cette abrogation a été prêchée par Jésus-Christ, puisqu’il ne nie vouloir abroger ou détruire la Loi (Matthieu 5.17), ce qu’il n’aurait pas fait si on ne l’en avait accusé. Cette opinion des Juifs que Christ abrogeait la Loi ne s’était pas formée sans aucune raison ; il est donc vraisemblable qu’elle provenant d’une compréhension erronée de son enseignement, comme la plupart des erreurs ont presque toujours leur origine dans la vérité. Afin de ne pas subir le même inconvénient, nous préciserons sans retard ce qui est abrogé dans la loi et ce qui demeure toujours valable.
En disant qu’il n’est pas venu pour abolir la Loi mais pour l’accomplir, que pas un seul trait de lettre de la Loi ne passera jusqu’à ce que tout soit arrivé, le Seigneur montre que le respect et l’obéissance dus à la Loi ne sont en rien diminués. Et cela pour une bonne raison, puisqu’il est venu pour apporter un remède aux transgressions de cette Loi. Jésus-Christ n’a donc pas violé la Loi qui, en nous enseignant, nous exhortant, nous reprenant et nous corrigeant, nous conduit à accomplir des oeuvres bonnes (2 Timothée 3.16-17).

Livre III
La manière de participer à la grâce de Jésus-Christ, quels sont les fruits pour nous et quels sont ses effets
Chapitre XVI
Ce qui est dit pour magnifier les mérites détruit la louange de Dieu et la certitude du salut
3. L’expérience de la grâce de Dieu suscite les oeuvres bonnes
Je me suis limité à quelques citations, car si je voulais rappeler tous les passages semblables, il faudrait écrire un gros volume. Les apôtres multiplient les exhortations, les remontrances et les reproches pour instruire l’homme de Dieu, afin qu’il accomplisse toute œuvre bonne et ne fasse aucune mention de mérite (2 Timothée 3.16-17). Bien au contraire, leur principale exhortation consiste à montrer que notre salut repose sur la miséricorde de Dieu, sans aucun mérite de notre part. C’est ce que fait Paul lorsque, après avoir enseigné dans l’épître aux Romains que nous n’avons aucune espérance de salut si ce n’est en la grâce de Christ, il en vient à formuler des exhortations en fondant son instruction sur cette miséricorde qu’il a annoncée (Romains 12.1). À vrai dire, cette raison seule devrait suffire à nous inciter à vivre de façon à ce que Dieu soit glorifié en nous (Matthieu 5.16). Si, pour certains, la gloire de Dieu n’est pas un motif qui les sensibilise, la mémoire de ses bienfaits devrait être suffisante. Mais ces pharisiens – qui, en exaltant les mérites, arrachent au peuple, quasi par force, quelques œuvres serviles – nous reprochent à tort de n’avoir rien pour exhorter à accomplir des oeuvres bonnes, parce que nous ne les suivons pas sur leur terrain. Dieu se délecte-t-il vraiment de tels services contraints, lui qui déclare : « Que chacun donne comme il l’a résolu en son cœur, sans tristesse, ni contrainte » (2 Corinthiens 9.7).
En disant cela, je ne rejette pas avec mépris la manière d’exhorter qui est si courant dans l’Écriture, afin de tout faire pour secouer notre paresse. Elle met en avant la récompense que Dieu donnera à chacun selon ses œuvres (Romains 2.3). Il y a d’autres textes du même genre et celui-ci n’est pas forcément le principal. De plus, je ne pense pas qu’il faille commencer par là et je maintiens que ce texte n’encourage pas les mérites tels que nos adversaires les inventent, comme nous le verrons plus loin. Enfin, même si cette doctrine occupait le premier rang, elle ne nous servirait à rien : nous sommes justifiés par le seul mérite du Christ, auquel nous sommes participants par la foi, et non par les mérites de nos œuvres. Personne n’est disposé à vivre saintement s’il n’a pas, d’abord, reçu et apprécié cette doctrine. Le psalmiste l’enseigne très bien lorsqu’il dit : « Le pardon se trouve auprès de toi, afin qu’on te craigne » (Psaume 130.4). Il explique qu’il n’y a nul respect de Dieu parmi les hommes jusqu’à ce que sa miséricorde, qui en est le fondement, soit connue. Il convient de bien le noter, afin que nous sachions que la miséricorde de Dieu est non seulement le principe qui nous invite à le servir comme il faut, mais aussi que la crainte de Dieu – dont les papistes pensent qu’elle nous mérite le salut – ne peut pas être source de mérite, puisqu’elle est fondée sur la rémission des péchés.
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