Qu’est-ce que le Règne de Dieu? (Albert Mohler)

croix christ royaume de Dieu

Il y a beaucoup d’interprétations sur ce qu’est le royaume ou le règne de Dieu. R. Albert Mohler nous explique le point de vue tiré des traditions historiques et théologiques, c’est-à-dire le point de vue amillénariste (aussi appelé millénariste) : le Règne de Dieu est bien présent (déjà inauguré) mais pas encore consommé (accompli).

Les termes « règne » et « royaume » sont utilisés ici de manière interchangeable pour l’anglais « kingdom ».


Matthieu 6.10 (S21) : que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.

Leçons tirées de la tradition théologique

La Cité de Dieu de Augustin

Lorsque Jésus prie « que ton règne vienne », que demande-t-il exactement du Père? Qu’est ce que le règne de Dieu?

Cette question fait partie desdébats théologiques les plus anciens et les plus contestés dans l’Église. Augustin, l’évêque de Hippone au cinquième siècle, adresse longuement ce sujet dans son ouvrage magistral La Cité de Dieu, écrit après la chute de l’empire Romain.

Dans la période de l’après-Réforme (post-Reformation), la tradition Luthérienne a développé ce qu’on connait maintenant comme la « Théologie des deux Royaumes » et qui analyse les différences entre ce qui appartient clairement au règne de l’homme et ce qui appartient clairement au règne de Dieu. Plus tard, au XIXe siècle, le dispentionalisme classique enseigne que le règne était purement une réalité future, inauguré lors du règne millénaire du Christ.

Parmi ces tentatives à expliquer le règne de Dieu, La Cité de Dieu de Augustin s’est prouvé l’ouvrage le plus utile et le plus en phase avec les enseignements des Écritures. […]

Augustin emploie la métaphore d’une cité, une polis, pour décrire le royaume de Dieu et des royaumes de ce monde. En bâtissant sur les enseignements de Jésus sur les premier et second plus grands commandements (Matt 22.36-40), Augustin suggère que le Chrétien doit comprendre qu’il y a deux cités dans le monde. La première est :

La Cité de Dieu

Cette cité est celle de Dieu non seulement parce qu’il y réside mais parce que son caractère et son autorité la définissent. Ici, l’autorité souveraine de Dieu est totale et sans conditions. Elle est organisée selon les règles et le règne de la loi de Dieu, et démontre simultanément et en proportions égales sa justice, sa droiture, sa miséricorde, et sa sainteté. Ainsi dans la cité de Dieu, tout est exactement comme Dieu le souhaite. Le désir de chaque Chrétien est de vivre dans cette cité.

Par la grâce de Dieu et la puissance de l’évangile, Paul indique que nous avons déjà été faits citoyens de la cité de Dieu (Phil 3.20). Cette citoyenneté nous est donnée par la promesse divine, bien que nous n’y résidons par encore.

En attendant, chaque Chrétien vie et fait l’expérience d’une autre cité bien différente :

La Cité de l’Homme

Jésus Christ est bien Seigneur et souverain, cependant il est aussi patient et permet les êtres humains à exercer une responsabilité morale. Par conséquent, la Cité de l’Homme n’est pas comme il faudrait. Contrairement à la Cité de Dieu, la Cité de l’Homme est caractérisée par l’égoïsme, l’impiété, des oppositions et des conflits. La Cité de l’Homme est temporaire. Elle n’existe pas en ses propres termes, bien que Paul a clairement montré en Romains 1 que la Cité de l’Homme refuse de reconnaître son état de créature et de dépendance.

Augustin pensait qu’il était crucial de comprendre que la Cité de Dieu était une chose qui ne disparaîtrait jamais, alors que la Cité de l’Homme est déjà de passage. Et il averti l’Église de ne pas confondre l’une avec l’autre. L’avertissement reste valide pour l’Église aujourd’hui.

L’amour qui caractérise chaque Cité

Augustin argumente aussi que les deux cités sont caractérisées par un amour primordial. L’amour de l’homme anime la Cité de l’Homme, alors que l’amour de Dieu anime la Cité de Dieu.

Le problème avec l’amour qui anime la Cité de l’Homme est que cet amour est centré sur soi et rempli d’ambitions égoïstes. En gros, nous n’aimons que ceux de notre même tribu, clan, ou famille (Genèse 3). L’amour qui anime la Cité de l’Homme est faible et désintéressé. Il garde nos intérêts avec acharnement.

Avec Rome comme modèle de la Cité de l’Homme, les paroles de Augustin s’avéraient véridiques sous les yeux même de l’Église. L’oeuvre de Augustin révèle à l’Église qu’ alors que Rome était à son apogée, elle s’écroulait déjà parce qu’elle était bâtie sur le mauvais amour.

En contraste, même si l’Église paraît faible, inefficace, et peu glorieuse, elle va à elle seule endurer parce qu’elle est construite sur le véritable amour de Dieu et sur les choses de Dieu. Si nous manquons de voir cela, c’est parce que nous avons tendance à voir les choses qui passent comme celles qui arrivent, et celles qui arrivent comme celles qui passent.

Pas de ce monde

La discussion de Augustin sur les deux cités nous rappelle que le règne de Dieu n’est pas quelque chose qui fait partie des systèmes politiques de ce monde. Aucun gouvernement sur terre ne peut vraiment représenter le Règne de Dieu. Plutôt, les Chrétiens sont citoyens d’un royaume qui arrivera un jour dans sa gloire accomplie.

Notre espoir n’est pas que les gouvernements de ce monde se transforment en royaume de Dieu, mais que le royaume de Dieu vienne du ciel sur la terre en puissance et gloire.

Les enseignements évangéliques récents et la théologie biblique du Règne de Dieu

Au cours du vingtième siècle, un nombre de fidèles professeurs évangéliques tels que George Eldon Ladd ont ravivé notre compréhension au sujet du royaume. Ils ont démontré que dans l’Écriture, le règne de Dieu doit être compris comme quelque chose qui est déjà là sur terre, mais pas entièrement présent.

En d’autres mots, le royaume de Dieu a été inauguré mais pas encore consommé (accompli). Comme Ladd et d’autres l’indiquent, le règne de Dieu est essentiellement la vision de fin des temps (eschatologique) de l’Ancien Testament. Les auteurs de l’Ancien Testament imaginaient le jour où Dieu enverrait le Messie pour triompher sur les ennemis d’Israël, établir le trône de David et régner avec justice.

Le royaume arriva avec la venue du Christ, qui incitait ses auditeurs à se repentir parce que « le royaume des cieux est proche » (Matt 3.2, 10.7). Les Chrétiens font maintenant partie de ce royaume. Comme Paul le dit, « qui nous a délivrés de la puissance des ténèbres et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour » (Col 1:13). C’est pourquoi, bien que nous attendons la pleine expression du Royaume de Dieu qui viendra dans toute sa gloire et puissance au retour du Christ, nous vivons pour le moment sous le règne de Dieu en tant que son peuple –nous sommes citoyens de ce royaume.

Qu’est-ce que le Règne de Dieu ?

Toutefois, la question reste, « Qu’est-ce que le Règne de Dieu ? ». La question est trouvée dans la manière par laquelle la Bible parle du Règne de Dieu en terme de création, la chute, la rédemption, et la consommation (l’accomplissement).

Un certain théologien, Graeme Goldsworthy, a défini le Règne de Dieu comme ceci : « le peuple de Dieu, au lieu de Dieu, sous l’autorité et la bénédiction de Dieu ». Chacune de ses caractéristiques est présente dans la première manifestation du royaume de Dieu dans le jardin d’Eden : le peuple de Dieu, ses créatures, Adam et Ève, vivent au lieu (à l’endroit) de Dieu, le jardin d’Eden, sous l’autorité et la bénédiction de Dieu.

La chute vient complètement bouleverser le règne. Adam et Ève sont chassés du jardin, n’ayant plus le droit de jouir de la bénédiction de Dieu parce qu’ils se sont rebellés contre l’autorité de Dieu.

En effet, sans la rédemption, la rébellion est l’état de chaque homme naturel. Nous sommes tous nés à l’est de Éden, en traîtres de la Couronne, et vivant dans ce que Paul appelle « la puissance des ténèbres » (Col 1.13).

Le travail de la rédemption : l’essence du Royaume de Dieu

Mais Dieu n’a pas laissé ce monde dans les ténèbres. Dans le travail de la rédemption, Dieu a continué l’œuvre de bâtir un royaume sur terre.

C’est pourquoi, Dieu a appelé Abraham et ses enfants (le peuple de Dieu), a être une lumière aux nations (Es 42.6; 49.6). Il leur a promis le pays de Canaan (le lieu de Dieu) où il demeurerait avec eux dans le tabernacle et dans le temple. Enfin, Dieu a donné aux Israélites sa loi et le système sacrificiel afin qu’ils puissent se rapprocher de lui (l’autorité et la bénédiction de Dieu).

Pourtant, comme nous le savons tous, Israël a échoué à faire et à être ce que Dieu désirait d’eux. Comme Adam, ils se sont rebellés contre Dieu. Même leur rois, ceux qui étaient sensés représenter la nation, étaient pour la grande majorité rebelles et mauvais, amenant souvent le peuple à adorer de faux dieux.

Ainsi, Dieu envoya Israël en exile à Babylone, tout comme il a renvoyé Adam du jardin. Pourtant même en plein dans ce jugement, les prophètes ont parlé d’un jour lorsque Dieu allait pleinement et finalement amener son royaume des cieux sur la terre. Jérémie, par exemple, parla d’un jour où Dieu inaugurera une nouvelle alliance, quand la loi ne serait plus écrite sur des tablettes de pierre mais sur les tablettes des cœurs des gens. En d’autres termes, la loi ne serait plus quelque chose d’externe à nous (nous demandant l’obéissance et condamnant nos échecs), mais serait plutôt quelque chose que Dieu gravera sur nos cœurs, nous donnant la puissance d’obéir à ses commandes.

Nulle part dans l’Ancien Testament cet espoir pour l’inauguration du règne de Dieu n’est mieux représenté que dans l’alliance Davidique en 2 Samuel 7.8-17 :

« Maintenant tu diras à mon serviteur David: Ainsi parle l’Éternel des armées: Je t’ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour que tu fusses chef sur mon peuple, sur Israël; j’ai été avec toi partout où tu as marché, j’ai exterminé tous tes ennemis devant toi, et j’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre; j’ai donné une demeure à mon peuple, à Israël, et je l’ai planté pour qu’il y soit fixé et ne soit plus agité, pour que les méchants ne l’oppriment plus comme auparavant et comme à l’époque où j’avais établi des juges sur mon peuple d’Israël. Je t’ai accordé du repos en te délivrant de tous tes ennemis. Et l’Éternel t’annonce qu’il te créera une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et j’affermirai son règne. Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et j’affermirai pour toujours le trône de son royaume. Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. S’il fait le mal, je le châtierai avec la verge des hommes et avec les coups des enfants des hommes; mais ma grâce ne se retirera point de lui, comme je l’ai retirée de Saül, que j’ai rejeté devant toi. Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés, ton trône sera pour toujours affermi. Nathan rapporta à David toutes ces paroles et toute cette vision. »

Ce passage indique le Règne à venir (« la maison ») que Dieu va bâtir. Dieu a promis qu’un descendant de David va avoir un royaume établit « pour toujours ». Alors que Salomon est le fils immédiat en vue dans ce passage (celui qui reçoit la punition s’il fait le mal), l’accomplissement ultime de ce texte n’est autre que Jésus Christ. Comme Actes 2 le montre clairement, Jésus est aussi sur le trône de David, et règne sur l’univers. Son royaume est incontesté et son règne est sans fin.

Comme nous l’avons dit plus haut, Jésus est venu prêcher l’inauguration de son royaume. Un aperçu de son règne de gloire a été permis à ses disciples pendant la transfiguration (Matt 17.2, Marc 9.2). L’œuvre de Jésus sur la croix est l’œuvre d’un roi qui est venu sauver son peuple. Et après sa résurrection, Jésus a déclaré qu’il a reçu « toute autorité au ciel et sur la terre » (Matt 28.18).

La Grande Commission est enracinée dans la déclaration du Christ qu’il est le roi sur le trône sur toute la création.

Le règne de Dieu dans notre état présent : un règne rédempteur

Dans notre état présent dans l’histoire de la rédemption, par conséquent, le royaume de Dieu est fait de ceux qui croient en Christ (le peuple de Dieu), rassemblés dans les églises locales à travers le monde (le lieu de Dieu), sous la loi de Christ et prenant part à la nouvelle alliance (l’autorité et la bénédiction de Dieu).

Bien sûr, nous attendons toujours encore le jour ou le royaume sera consommé. Mais pour l’instant, le peuple de Dieu est dans un combat avec les forces des ténèbres. Nous entreprenons une commission de faire des disciples du roi et des citoyens du royaume. Et bien sûr, nous ne pouvons qu’accomplir cela avec grande souffrance et tribulations.

Ainsi, alors que nous sommes effectivement dans le royaume de Dieu, nous attendons le règne de Dieu dans sa plénitude. Nous attendons encore l’achèvement de la Grande Commission. Nous attendons encore la venue du roi et la destruction de toute méchanceté. Nous languissons du jour où nous ne serons plus l’Église militante mais l’Église triomphante. Apocalypse 11.15 décrit bien ce que ce jour de couronnement apportera : « Le septième ange sonna de la trompette. Et il y eut dans le ciel de fortes voix qui disaient : Le royaume du monde est remis à notre Seigneur et à son Christ; et il régnera aux siècles des siècles. ».

A présent, nous avons quelques éclairages utiles quant à l’interprétation de cette pétition, « que ton règne vienne », dans la prière du « Notre Père ». Le royaume de Dieu est essentiellement son règne sur son peuple, pour leur bien et pour sa gloire. Le règne de Dieu n’est pas seulement sa souveraineté absolue ; c’est aussi un règne rédempteur qui transforme les cœurs et crée l’obéissance.


le Règne de Dieu - The Prayer that turns the world upside down : the Lord’s prayer as a manifesto for revolution, by R. Albert Mohler Jr, 2018

Texte tiré et traduit de The Prayer that turns the world upside down : the Lord’s prayer as a manifesto for revolution, by R. Albert Mohler Jr, 2018 – chapitre 4.

Dr Mohler est théologien et ministre ordonné ; il est président du Southern Baptist Theological Seminary, l’école principale de la Southern Baptist Convention et l’un des plus grands séminaires au monde.


Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.